Tuto 6 : le BDSM pour les nul-le-s

C’est un fait : entre le fantasme du donjon/harnais de cuir/croix de saint-André et la réalité (un achat de petit martinet « qui ne fait pas mal » – mais qui a lacéré durablement les fesses de votre partenaire), il y a un gap.

Le BDSM – Bondage (Discipline) Domination Soumission Masochisme – constitue un univers large et souvent méconnu (même si 50 shades of grey a vulgarisé certaines pratiques). Oh lala, pensez-vous en votre for intérieur, moi la douleur très peu pour moi.

Certes…. Mais aimer infliger ou recevoir de la douleur n’est qu’un aspect du BDSM, et c’est loin de résumer toutes les possibilités qu’il recèle. D’un côté, le BDSM fait peur, ou bien parait super kitsch (on a le droit de ne pas avoir envie de barder ses bourrelets dans du latex) et de l’autre, il peut fasciner, pour peu qu’on ait eu un-e partenaire qui s’y connaisse, et qui vous initie aux joies du shibari, de la domination soft, de la privation sensorielle (je rigole, hein).

Fantasmer sainement, c’est possible.

Pourquoi est-ce que le BDSM fait peur?

Sans doute parce qu’il est encore associé à l’homosexualité masculine et à la vague de moustachus version Village People et harnais de cuir, qui ont défendu la cause gay aux Etats Unis en pleine période de campagne anti SIDA.

Sans doute aussi parce que le BDSM parait peu compatible avec un consentement éclairé, vu qu’il s’agit précisément d’apporter de la contrainte, ou de jouer avec cette idée du moins, au sein de l’acte sexuel.

Sans doute enfin parce que le BDSM catégorise énormément les pratiques, et qu’on a pas toujours envie de rentrer dans les cases (dom, soumis, slave, kaijira, ….). Sans compter le nombre d’accessoires sur le marché – fouets, cagoules, baillons, matériel gynécologique, pince à tétons….- susceptible d’impressionner Hannibal Lecteur himself.

Jooooyeux anniversaire Viviane, joyeux anniversaiiiiiire…..

Sauf que…. C’est bien plus compliqué que ça.

Prenons l’exemple d’un-e dominant-e et d’un-e soumis-e, dans l’acceptation consensuelle de ces deux termes : imaginons que la dom joue avec le soumis; l’attache; le malmène plus ou moins gentiment ; lui donne des ordres; etc.

Finalement, c’est le dom qui est au service du soumis. C’est la soumise qui va induire ce que va inventer la dominatrice pour lui procurer le plus de plaisir possible. C’est à la personne qui domine qu’incombe la charge mentale de l’acte sexuel, à qui reviennent la plupart des décisions, c’est le dominant qui doit prendre soin de l’autre, prendre garde à ne pas franchir certaines limites, veiller à ce que son consentement ne fléchisse pas devant soit la brutalité des pratiques (fessées, claques….) soit la prise de pouvoir (fais-moi ceci, mets toi à 4 pattes, etc).

Etayons en citant ces propos d’une habituée du BDSM :

« Le masochiste n’a rien à voir avec le sadique. Le sadique n’a rien à faire d’une victime consentante. Le masochisme requiert l’accord des deux personnes, c’est complètement consensuel. »

Et vice et versa.

Pour ces raisons, on peut tout à fait se proclamer féministe et soumise. Ou bien féministe et avoir des fantasmes dits de viol (exemple, avoir envie d’être tellement désiré-e qu’on se fait prendre par surprise, si j’ose dire). Ca n’a d’ailleurs rien à avoir avec un véritable viol ; et nombre de féministes proposent aujourd’hui de renommer ces fantasmes de viol en fantasmes de sexe sous contraintes/sexe bestial/sexe sous un porche en pleine nuit. Ca nous éviterait de culpabiliser d’avoir de tels fantasmes . Evidemment, l’écart dans le sexe hétéro entre les hommes qui fantasment sur la soumission, et les femmes, ne laissera pas de nous interroger. Seulement, notre libido n’a que faire des statistiques – notre libido oscille entre conditionnement culturel et liberté du désir, on ne peut pas y faire grand chose.

Seulement, donner un consentement vague ne suffit pas, et les pratiques BDSM restent ambivalentes, parce que d’un côté elles visent à dépasser certaines limites (psychologiques avec la domination, physiologiques avec le sadisme) en toute sécurité et de l’autre, elles tendent vers les jeux de pouvoir, susceptibles de facilement dégénerer aussi – peut-être que du coup, vous retrouver saucissonné-e au Carlton avec un baillon sur la bouche, un bandeau sur les yeux et un plug dans les fesses vous paraitra a postériori comme une idée plutôt moisie.

Pour jouer, en plus d’un-e partenaire averti-e, il vous faudra donc établir clairement établir vos limites personnelles à l’avance. Arriver naïvement dans ces pratiques en déclarant « oh bah moi j’ai pas de limites, je ne sais pas, je suis là juste pour essayer » vous expose au fait de trouver rapidement les dites limites, et pas de manière forcément super agréable. Ce qui est excitant, c’est justement d’établir à 2 (ou plus) le champ des possibles, le cadre du jeu. La personne qui domine devra alors dérouler un scénario plus ou moins établi à l’avance avec des nuances, des essais, des regards, des paroles qui tombent juste et qui ne froisseront pas la personne qui reçoit. Tout un art, en somme, qui signifie que mettre des limites n’équivaut pas à plaquer un scénario bêtement.

Méfiance cependant, parce que la sexualité a longtemps pâti d’un imaginaire de violence et de contrainte (il suffit de lire Sade ou Pierre Loys pour être horrifié-e par la pédophilie, le côté scato…), violence qui était le pendant de tout un héritage judéo-chrétien et moralisateur sur le plaisir. Et qui n’a plus tout à fait cours aujourd’hui. Malheureusement, le porno mainstream montre encore énormément de jeunes femmes prises par des phallus en délire, à grands renforts de râles, d’insultes voire de crachats. Très peu de femdom, à l’inverse, dans les propositions de vidéos sur les plateformes. On le sait déjà : le porno mainstream est patriarcal. Résultat, selon une étude de la BBC, 33% des femmes britanniques ont subi des violences lors d’un acte sexuel (strangulation, claques….) et elles n’étaient pas (du tout) OK. Alors, oui, le milieu du BDSM est aussi truffé de personnes pas hyper bien intentionnées, ou qui vont plaquer des fantasmes de domination débiles sans s’y connaitre vraiment. (_> Tu es ma soumise, tu vas me sucer dès que j’en aurais envie et je partirai sans mot dire, par exemple, constitue ainsi le niveau 0 du BDSM).

Comment faire alors si on veut débuter?

Prescrire les possibilités dans un tableau excell qui recense au choix : l’ondinisme/la strangulation/la douleur/le bondage des poignets ou des chevilles ne constitue pas une manière très poétique de s’accorder. Mais il faut discuter, vraiment, avec votre partenaire. Dire ce qui vous excite, ce qui vous fait peur… On n’est pas obligé-e-s de savoir à l’avance si le shibari ou l’humiliation, ça va vraiment nous plaire. Dans ce cas, on se laisse la possibilité d’arrêter en plein milieu si ça ne va pas.

Quand je dis « swag » tu arrêtes, OK?

Si vous cherchez à explorer ces pratiques et que les sites de rencontre ne vous effraient pas, celui-ci a l’avantage d’organiser des communautés de soumis/es et/ou de dom qui vous donneront plein de bons conseils, qui vous indiqueront par quoi commencer, qui vous protégeront aussi des personnes mal intentionnées. Par exemple, un petit groupe de nanas soumises et féministes recensent les doms pervers et/ou complètement à la ramasse pour les black lister.

Si vous préférez le présentiel, et que vous êtes francilien-ne, une association propose des « munch parties », soit des apéros soft entre pratiquant-e-s chevronné-e-s et simples curieux/ses (personne n’est habillé en latex et ne se promène en laisse, rassurez vous). L’occasion d’échanger, de confronter aussi son fantasme (genre, ben finalement les pros du BDSM ont souvent entre 50 et 60 ans, est-ce que c’est toujours OK pour vous?), et de discuter maniement du fouet et comment bien donner une fessée. Une fois par mois, à Paris donc.

Le shibari est à la mode mais ne s’improvise pas (à moins que vous n’ayez envie de figurer dans le business des records des urgences du coin). Ce centre organise des sessions d’apprentissages pas chères et dans la bonne humeur.

Mais avant tout, c’est avec vous même que vous devez fixer, le plus précisément possible, ce qui vous fait envie. Etre attaché-e? trop large. Attaché-e et fouetté-e, sur quelles parties du corps, à quelle fréquence, avec quels instruments? Dominer oui mais comment? Se faire lécher les pieds, se faire servir un café par le/la partenaire à quatre pattes, pouvoir « l’offrir » à d’autres? Est-ce la douleur, le corps marqué, l’humiliation (ou pseudo-humiliation) qui vous parlent le plus? Du coup, il vous faut travailler vos compétences d’imagination, de visualisation. Se projeter avec un baillon : voulez-vous respirer encore, ou seulement par le nez? N’hésitez pas à ajouter des détails : un baillon pour quelle position exactement? A genoux? En levrette? etc etc.

Si on oppose le sexe vanille (c’est à dire, le sexe sans BDSM) à ces pratiques, elles restent donc extrêmement variées et diverses. Ainsi, en matières de shibari, sachez que la pénétration est extrêmement rare. Qu’on peut aussi se déclarer « switch », c’est à dire, passer d’une catégorie à une autre selon le contexte et l’envie. Qu’on distingue les « top » (celles et ceux qui dominent, infligent éventuellement des douleurs, mais aussi donnent des ordres….) des doms, et les « bottom » des soumis. Qu’on peut se déclarer simplement « kinky » (ce qui est très large). Qu’il existe des couples qui vivent 24/24 dans un contexte BDSM, avec collier d’appartenance et geôle, et aussi des marchés d’esclaves (oui, moi aussi, ceci m’horrifie). Sauf qu’avec tout ça, le BDSM revendique une charte hyper précise en termes de bienveillance, de consentement.

Ainsi, les partisan-e-s du SSC se déclarent adeptes d’un BDSM Sain, Sur et Consensuel. Les 4Cs répondent à la devise : Caring, Communication, Consent and Caution. Bref, vous n’allez pas forcément vous jeter dans la gueule du loup si vous entrez dans cet univers; mais attendre un-e inconnu-e les yeux bandés vous expose à des risques – bien connaitre l’autre avant de se lancer reste une prérogative de base. Etre bien sûr-e, par exemple, que tout signe marquant une volonté d’arrêter, à n’importe quel moment, soit clair, et entendu.

Si jamais vous avez une heure devant vous, écoutez donc ce podcast (qui ressemble plutôt à une émission de radio) avec une dominatrice en invitée. Celle-ci a ramené sa « Chose » et lui colle des fessées en direct, sous les rires interloqués des autres nanas. (collector!) Elle dit par exemple : « Moi à force, j’ai envie que mon soumis soit autonome. Non mais le mec qui m’appelle pour avoir quels vêtements mettre tous les matins, c’est trop de responsabilités pour moi. » Car oui, pour le ou la top, la charge mentale est élevée, il s’agit de prendre son de l’excitation et du corps de l’autre, tandis que pour le ou la bottom, s’en remettre à un-e dom est une manière de s’abandonner au plaisir tout en se sentant protégé-e.

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